jeudi 10 mars 2011

La démocratie et l'islamisme: Une situation inconfortable.

27 commentaires
   Par expérience, je peux affirmer que le débat à la présence d'un islamiste est assez biaisé et inconfortable. Un débat a trois niveau, le débat de personnes, le plus inutile et le plus pauvre, le débat sur les faits et les événements, un peu plus intéressant et le débat d'idées qui est le plus juteux.

   Un communiste (pour le cas où il en existe encore), un libéral ou un capitaliste acceptera sans réserves que tu discutes et que tu critiques et que tu montres les limites du communisme, du libéralisme ou du capitalisme... et j'entends bien que ces limites existent car rien n'est parfait...Un islamiste, n'acceptera jamais cette forme de débat d'idées, parce qu'il part du principe que son idéologie est parfaite et que sa présentation de sa vision des choses est peu perméable à la critique. Il  restreint le débat sur son idéologie à son cercle religieux interne car selon lui, si l'on connait pas bien l'islam, on doit se taire, et on ne doit surtout pas émettre un avis: les cheikhs sont payés pour ça (assez généreusement d’ailleurs). Par ailleurs, tout avis  provenant d'un cercle extra-religieux en opposition avec un concept dit islamique, est vu comme une attaque contre l'islam (tiens! les maisons closes: parlons-en? ). Ceci explique un peu les craintes de monsieur tout le monde  qui le pousse à éviter d'aborder des sujets d'ampleur idéologique avec des islamistes, et en partie la difficulté que j'éprouve en discutant avec des adeptes des mouvements religieux politiques en général.

   Ils pensent, d'une façon non négociable, que leurs idéals et leurs visions des choses sont au dessus des critiques. Ainsi, le débat devient unidirectionnel et peu intéressant. L'argument récurrent qu'ils font valoir est le slogan qui titre en gras: « l'islam est la solution, l’islam transcende le spatiotemporel ». Sauf que rejeter cet argument semble un rejet de l'islam aux yeux de l'interlocuteur handicapé par de telles formuliatons. Il se résigne donc à admettre que l'islamiste a raison car l'islam dit vrai! Le jour où l'on comprendra que ce raisonnement est faux, et qu'on n'aura  plus peur de leur demander de ne plus s'approprier l'islam ou que l'on admettra qu'il y a plusieurs "Islams"... ce jour-là on accédera à ce débat d'idées dont je parlais.


 
    En attendant, on se contentera de dénoncer les abus de telles personnes et de tels individus, sans que cela ait un impact tangible sur l'amélioration de l'échange démocratique. Pour illustrer, le mouvement islamiste Ennahdha a, selon ses dirigeants, commis des actes de violence sans que le mouvement admette sa pleine responsabilité et sans que ses ténors fassent un communiqué où ils prennent une position ferme contre la violence et ce jusqu'à aujourd'hui (c'est ce que reprochait M. Mourou dont les spéculations concluent qu’il va bientôt quitter  Ennahdha) et pourtant, j'ai l'impression que tout le monde leurs pardonne cette double erreur alors que cette générosité n'aurait jamais pu être accordée à quiconque d'autre. En effet, personne n'ose discuter l'idéologie de ces partis qui a prouvé qu'elle peut mener à la violence. La crainte de se faire taxer d'islamophobe accable les esprits, même les plus révolutionnaires. C’est une nouvelle forme de pusillanimité que j’appellerais l’islamophobiphobie.

   Pourtant engager l'islam dans le débat démocratique, le vrai débat démocratique, impose le fait que l'on puisse traiter de l'islam comme l'on traite du socialisme ou du capitalisme. Toutes les idéologies se valent, surtout en leur prédisposition à être critiquées. Je tiens encore une fois à rappeler que n'est pas moi qui avais demandé que la religion sorte des mosquées pour qu'elle entre dans le marché démocratique des idées. Loin de là! J'ai milité pour que le sacré religieux reste loin du débat politique. Ce sont bien les défenseurs de l'islam politique qui comptent sur l'aspect mobilisateur d'une telle marchandise auprès d'une population qui a foncièrement une sympathie pour le religieux et qui éprouve un profond respect pour l'apparence pieuse. En engageant cet aspect identitaire qu'est la religion dans le ring démocratique, les islamistes savent pertinemment, et nous aussi bien qu'eux, qu'ils sont en train de nous vendre plus cher du mauvais fromage que tout le monde achètera uniquement parce qu'ils l'ont certifié Halal!