mardi 25 janvier 2011

Le populisme et la démocratie.

   La révolution populaire tunisienne a démontré une vive aspiration du peuple à la liberté, la dignité et à la démocratie. Certes chaque révolution de ce genre ne peut revendiquer que de nobles valeurs que nul ne peut contester. Ce qui est remarquable c'est l'absence d'une élite politique et culturelle capable d'encadrer ces aspirations. Cette absence  est justifiée par un manque de confiance intégral en cette classe et ceci touche les différentes composantes de la sphère politique et des acteurs sociaux. Dans cette atmosphère, c'est le populisme qui prend le dessus.

   Le populisme, est généralement un terme assez péjoratif qui met en accusation les élites ou des petits groupes d'intérêt particulier de la société, et va jusqu'à les accuser d'être les responsables de tous les maux et les malheurs de la société. Nourri par la théorie du complot qui émerge à chaque fois que l'appareil informatif manque à son devoir, ce discours devient le support de toute surenchère et surtout de la part de ceux qui veulent se faire une image de combattant, ou  des gens du peuple, qui veillent sur ses intérêts et qui s'attribuent même le droit de parler à son nom au point même que le fait de nuancer leurs propos devient un motif pour être accusé de lâcheté, de manipulation ou même d'agissement contre les intérêt du "peuple". Faudrait-il rappeler qu'avant une révolution, la tunisienne en particulier, il y a peu de combattants, et après... ils y a beaucoup d'anciens combattants? 

   Un homme politique n'est pas un homme du peuple, c'est un homme pour le peuple dixit le sénateur Gaïus à l'époque de l'empereur Commode. Par conséquent, la notion de "volonté du peuple" n'est pas plus qu'un refrain sporadique en l'absence d'institutions à travers lesquelles elle peut s'exprimer. Et si l'état des choses reste ainsi, ce n'est pas vers une démocratie que la Tunisie évoluera mais vers le populisme.

   Dans ce cadre, il est difficile de critiquer les revendications populistes sans être accusé de dénigrer le droit à la manifestation, voire de régionalisme, ou de snobisme... termes récurrents que j'ai pu constaté dans les e-discussions où j'ai préféré de me tenir au rôle d'observateur jusqu'à maintenant, non pas par pusillanimité mais par manque de lucidité engendré par l'accélération des événements et surtout  par la désinformation qui sévit sur le e-espace pendant que la télévision rebaptisée nationale manque encore sévèrement à son rôle: On vire de la dictature du "ferme ta gueule" à la démocratie du "cause toujours" avec un JT encore au-dessous de la moyenne.

   En Tunisie, il y a une réelle conscience des saintes valeurs de la liberté et de la dignité même si ces aspirations ne prennent pas la dimension libérale ce qui se traduit par une absence de considération individualiste de ces valeurs: La liberté reste toujours au pluriel, mais ceci semble pour le moment un problème auxiliaire. Le vrai débat à mon avis se situe au niveau de la conscience collective des institutions et de leurs rôles dans la concrétisation du  processus démocratisant. Sans vouloir porter atteinte à la légitimité des revendications des manifestants qui se résument dans le fameux "dégage", il est temps de faire de la politique et garder en tête l'importance des institutions. A la différence du peuple qui conteste des personnages, le politicien conteste des mesures. 

  Le gouvernement de salut national n'inspire pas trop de confiance dans sa forme actuelle et  il est unanimement critiqué. Il est plus que nécessaire d'effectuer un remaniement ministériel donnant un signal fort à l'image de la radicalité des manifestations. Mais l'appel à la démission de tout le gouvernement  semble trop exagéré face à la situation de chaos administratif et politique que ceci peut provoquer sans en oublier les conséquences économiques, ce que le chef de l'armée M. Ammar n'a pas manqué de soulever lors de son intervention hier.  Il faut se rendre à l'évidence que la réécriture d'une constitution et de l'ensemble des lois fondamentales par un comité constitutionnel non élu mettra plus de deux ans  sans oublier la contestation inéluctable que ceci va engendrer en l'absence d'une personnalité forte à l'image du Bourguiba de l'après indépendance.

  En parallèle avec ces manifestations à la bastille tunisienne "la Casbah", on observe des manifestations d'ordre plus social exprimant un malaise du essentiellement à une condition économique précaire. Il est donc du devoir des acteurs sociaux de ménager le chou et la chèvre afin de sensibiliser le peuple quand à la contradiction dans le fait d'appeler à la dissolution générale des institutions au moment où ces dernières tentent de prendre des mesures d'urgence pour pallier à cette crise. Mais malheureusement, on observe le contraire, l'UGTT qui fait de la politique - à tort- pour se refaire une nouvelle virginité, lui qui ,il y a deux mois lançait des appels à sa majesté le roi déchu pour se représenter anticonstitutionnellement à un nouveau mandat royal.

   Il est naïf de réduire le problème à la présence du RCD dans l'équipe ministérielle. Même si le premier motif de ce rejet reste légitime, à savoir la complicité par le silence de ces derniers dans les affaires de corruption. Le fléau a eu le temps de se répandre partout dans les appareils de l'état et l'épuration ne se fera pas de sitôt. La conservation des documents pouvant intéresser la justice n'est pas conditionnée par les ministres car même les petits sous-chefs de l'administration tenteront de cacher leurs implications s'ils le veulent. Il y a donc un problème de cible. Quand aux gros poissons, leurs dossiers sont tellement lourds que les documents seront probablement facultatifs car ils sont partout et connus par tout le monde.

Je déteste tout*


   Dans cette atmosphère où l'absent majeur est la confiance qui a cédé sa place à la désinformation. La réaction populiste est de tout rejeter, ce qui explique les compagnes de diffamations qui ne sont pas -à vrai dire- un fait nouveau. Quand aux réactions opportunistes les plus attendus c'est l'exacerbation de la volonté populiste qui se manifeste avec une radicalisation des mouvements en un temps où la solidarité devrait être la bonne réponse qui fera le moins de dégâts. La quête de la justice populiste signe d'un désespoir de justice légaliste qui vire souvent à une chasse aux sorcières est devenue plus prioritaire que la reconstruction institutionnelle; Le prix d'une telle maladresse serait encore plus cher que ce que  pourrait rendre l'utopie de se faire rembourser immédiatement 23 ans de corruption structurée. 

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* Icanhascheezburger.com

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إجتنب قدر الإمكان السبان خويا وإلا أختي الفاضلة، قد ما يكون دمك بارد قد ما تكون مقنع و تسمعك العباد ! وكان تعمل مزية حاول كي تعلق إختار لروحك إسم مستعار! كي يكثر الآنونيم ما عاد نفهمو شي !